Théorie des cordes
La théorie des cordes est l'une des voies envisagées pour régler un des problèmes majeurs de la physique théorique : fournir une description de la gravité quantique c'est-à-dire l'unification de la mécanique quantique (inévitable pour décrire la physique aux petites échelles) et de la théorie de la relativité générale (nécessaire pour décrire la gravitation de manière relativiste). La principale particularité de la théorie des cordes est que son ambition ne s'arrête pas à cette réconciliation, mais qu'elle prétend réussir à unifier les quatre interactions élémentaires connues, on parle de théorie du tout, tout en reposant sur deux hypothèses assez révolutionnaires :
- Les briques fondamentales de l'Univers ne seraient pas des particules ponctuelles mais des sortes de cordelettes vibrantes. Ce que nous percevons comme des particules de caractéristiques (masse, etc) distinctes ne seraient que des cordes vibrant différemment. Avec cette hypothèse, les théories des cordes admettent une échelle minimale et permettent d'éviter facilement l'apparition de certaines quantités infinies (on parle de « divergences ») qui sont inévitables dans les théories quantiques de champs habituelles. Il n'y a donc plus besoin de procéder à la renormalisation de la théorie.
- L'univers contiendrait plus de trois dimensions spatiales. Certaines d'entre elles, repliées sur elles-mêmes, passant inaperçues à nos échelles (par une procédure appelée réduction dimensionnelle).
Malgré de premiers résultats partiels très prometteurs comme la reproduction de la formule de Bekenstein et Hawking pour l'entropie du trou noir, ainsi qu'une richesse mathématique remarquable (la théorie des cordes a permis de découvrir la symétrie miroir en géométrie) la théorie des cordes reste toutefois incomplète. D'une part, une multitude de solutions aux équations de la théorie des cordes existe, ce qui pose un problème de sélection de notre univers et, d'autre part, même si beaucoup de modèles voisins ont pu être obtenus, aucun d'entre eux ne permet de rendre compte précisément du modèle standard de la physique des particules.
Bien que différentes formulations indépendantes (cf ci-dessous) aient été développées dans les années 1980, les résultats de dualité de cordes obtenus dans les années 1990 ont permis d'envisager que toutes les théories précédemment construites ne sont elles-mêmes que différentes limites d'une théorie unique plus fondamentale, baptisée théorie M, dont la formulation microscopique reste mystérieuse (la théorie M, ne serait elle-même pas une théorie de cordes mais plutôt de membranes) mais dont la théorie effective de basse énergie est la supergravité maximale à 11 dimensions, soit une de plus que la dimension critique des théories de cordes.

Prédictions des théories des cordes
- Le graviton, boson (i.e. médiateur) de la gravitation serait une particule de spin 2 et de masse nulle (conformément à la physique quantique). Sa corde a une amplitude d'onde nulle.
- Il n'y a pas de différence mesurable entre des cordes qui s'enroulent autour d'une dimension et celles qui se déplacent dans les dimensions (c.à.d., les effets dans une dimension de taille R sont les mêmes que dans une dimension de taille 1/R).
Historique de la théorie
Génèse, une première tentative infructueuse
La théorie des cordes a d'abord été introduite comme tentative de description de l'interaction forte mais ses prédictions étaient en désaccord avec les observations expérimentales. Elle fut donc vite abandonnée au profit de la chromodynamique quantique (abrégée en QCD).
La première révolution des cordes
En 1984, par une prouesse technique remarquable, Michael B. Green et John H. Schwarz démontrent l'absence d'anomalies de jauge ou gravitationnelle dans la théorie de cordes de type I qui est une théorie chirale de même que le modèle standard. Ce travail offre pour la première fois la perspective d'obtenir une phénoménologie réaliste à partir de cordes. L'impact a été si important dans la communauté de la physique théorique que le terme de révolution a été adopté pour décrire la période de développement très rapide qui s'en est suivie.
La seconde révolution des cordes
Au milieu des années 1990, un grand nombre de ponts ou dualités sont découverts entre les différentes théories de cordes. En 1995 le physicien Edward Witten suggère que ces dualités sont la contrepartie de l'existence d'une théorie plus fondamentale, appelée théorie M réunissant de façon continue les différentes théories des cordes qui sont alors obtenues dans certaines limites de son espace des paramètres (appelé espace de modules). Cette période d'intense activité dans le domaine lui a valu le nom de seconde révolution des cordes.
Les différentes théories des cordes
Il existe plusieurs théories des cordes :
- La théorie bosonique des cordes à 26 dimensions. C'est la théorie des cordes la plus simple. La formulation de la théorie sur sa feuille d'univers ne contient que des bosons d'où son nom. Elle contient un tachyon (particule ayant une masse imaginaire), ce qui est une indication que la théorie est instable, et donc impropre à décrire la réalité. Elle est toutefois utile pédagogiquement pour se familiariser avec les concepts fondamentaux que l'on retrouve dans des modèles plus réalistes. En particulier au niveau de masse nulle elle fait apparaître le graviton. Elle admet des cordes ouvertes ou fermées.
- Cinq théories des supercordes à 10 dimensions, qui ne possèdent pas de tachyons et qui supposent l'existence d'une supersymétrie sur la feuille d'univers des cordes aboutissent à l'existence de supersymétries dans l'espace-cible :
- I : cordes ouvertes ou fermées, groupe de symétrie SO(32)
- IIA : cordes fermées uniquement, non-chiralité
- IIB : cordes fermées uniquement, chiralité
- HO : cordes fermées uniquement, hétérodicité, groupe de symétrie SO(32)
- HE : cordes fermées uniquement, hétérodicité, groupe de symétrie E8×E8
- La théorie M, aboutissement de ces théories
Les théories des supercordes se distinguent de la première par l'existence d'une symétrie supplémentaire, la supersymétrie, laquelle s'est avérée nécessaire lorsque l'on a souhaité incorporer les fermions (la matière) dans la théorie bosonique des cordes.
Il semblerait que ces cinq théories soient différentes limites d'une théorie encore mal connue, reposant sur un espace à 11 dimensions (10 spatiales et une temporelle), appelée théorie M, laquelle admettrait la supergravité maximale développée dans les années 1970 comme théorie effective de basse énergie. Cette hypothèse a été proposée par Horava et Witten dans les années 1990 et a amené l'introduction d'autres objets étendus en plus des cordes. On parle de p-branes, p étant un entier qui indique le nombre de dimensions spatiales de l'objet en question. Elles sont décrites perturbativement comme les sous-espaces sur lesquels vivent les extrémités de cordes ouvertes. L'étude du spectre montre que des D1, D3, D5, D7 et D9 branes peuvent être incorporées dans un espace-cible décrit par la théorie IIB tandis que dans un espace où vivent des cordes de type IIA on peut introduire des branes de type D0, D2, D4, D6 et D8. Notons que les D1 ont le même nombre de dimensions qu'une corde fondamentale (notée usuellement F1). Bien qu'étant deux objets distincts, une symétrie non-perturbative de la théorie IIB, appelée S-dualite, qui a subi un nombre important de vérifications indirectes, possède la propriété d'échanger D1 brane avec la F1.